Santiago
33° 27' 43"
70° 43' 41"

9.6.12

Dépaysement si o si pero qué tal de Justin Bieber ??


On passera sous silence mon absence totale d'assiduité concernant la rédaction de mon blog. Alors oui, j'avais en tête un projet (surhumain) qui consistait à conter le récit de mon voyage de deux mois en soulignant l'authenticité des rencontres, la beauté des paysages, enfin que des choses originales.  L'intention était belle.

Alors à un mois et demi de mon retour en France, on fait le bilan, calmement . Je l'avoue, je profite pour la rédaction de cet article du fait qu'il y a quelques semaines, nous avons dû rendre notre rapport de séjour dans lequel j'ai fait quelques observations sur le Chili et les Chiliens - ou du moins quelques images et faits de société qui m'ont marqués. Et je dois dire que j'ai appris aussi énormément dans un des cours intitulé "realidad social chilena" dont je me suis inspiré. 

La culture chilienne reste encore bien conservatrice et les mentalités de certains peuvent choquer. 

Cas n°1 : vous êtes une fille. Vous êtes mal barrée. Et vas-y qu'jte siffle et que j'utilise mon klaxon customisé fait exprès pour draguer les meufs ou alors que je fais un bruit dégueu avec ma bouche! Le phénomène touche toute la gente féminine et ce, indépendamment de votre physique. Plus sérieusement, si votre chevelure est blonde et que vous faites plus d'un mètre 70 (mon cas en résumé), il faudra se préparer psychologiquement, les taxis étant les plus friands de cette pratique. Evidemment, plus le temps passe et moins on y fait attention mais le machisme est palpable et visible tous les jours. 
Un autre exemple, il y a 6 mois, les nouvelles mamans ont pu bénéficier d'un allongement du congé maternité. Les hommes également peuvent en bénéficier, mais il semble que ça ne les intéresse pas beaucoup. Très peu en ont pris l'initiative en tout cas. 

Cas n°2 : vous êtes une jeune mère célibataire. LE stéréotype totalement vérifié du pays en développement. Vous rencontrerez donc ici aussi beaucoup de jeunes mères célibataires. 
La situation : "mère célibataire", à l'instar de la celle de l'ex-présidente Michelle Bachelet, est symptomatique du Chili. Ainsi, une de mes camarades de classe, 24 ans avec un bébé de 2 ans, m'explique que "c'est dur de se concentrer pour travailler les week-ends", du coup elle emmène le petit Baltazar à la fac avec elle. La grand-mère ne veut pas s'occuper de son petit-fils le dimanche parce que vous comprenez, c'est son « seul jour de repos dans la semaine » mais elle fait quand même les lessives ! Sans parler du père qui ne fait pas l'effort de passer les voir et explique à la mère de son fils que si elle veut une baby-sitter « elle a qu'à se la payer elle-même puisque c'est pour son temps libre à elle » - rappelons que c'est du temps libre pour faire ses devoirs. 
Voilà où on en est encore en 2012 au Chili. Bien évidemment, il y a aussi des jeunes pères qui s'occupent très bien de leur enfant mais avouez que lorsque 3 personnes sur 10 dans une salle de classe disent avoir un enfant avant l'âge de 23 ans, on ne peut être qu'interpellés.

Cas n°3 : vous êtes homosexuel. Bien que la sexualité soit quelque chose d'encore assez tabou et traité sur le mode de la plaisanterie dans une société où l'Eglise catholique a un pouvoir conséquent, les jeunes – et moins jeunes - Chiliens ont l'habitude de montrer toute l'affection qu'ils ont l'un pour l'autre de façon très expansive. Les parcs, le métro et tout lieu public est considéré comme approprié. C'est là où notre pudeur toute bien française se voit mise à l'épreuve. 
Le thème de la discrimination est très recurrent. Une "loi anti-discrimination" vient d'être votée à une très large majorité par le Congrès. Cependant, il a quand même fallu la mort d'un jeune homosexuel, Daniel Zamudio, battu à mort par un groupe de néo-nazis pour que des mesures légales soient prises. Le débat ne se résume pourtant pas seulement aux gays puisque la discrimination touche aussi les femmes ou les mapuches (peuple originaire du Chili). Alors, on n'en est pas encore à parler du mariage homosexuel, mais pas à pas, le pays se dirige sur un chemin plus libéral. A noter qu'être homosexuel pour un garçon est très mal vu alors que pour une fille non. Allez savoir ! Peut être qu'ils trouvent ça mignon. Une autre marque du machisme sous-jacent qui pèse sur toutes les catégories de la société.

Cas n°4 : vous êtes pauvre. Pour une française qui a toujours vécu dans un pays où il existe la Sécurité Sociale, l'école gratuite pour tous, il est étrange d'arriver dans un pays où tout est payant. Commençons par des situations de la vie quotidienne. Au supermarché, des étudiants sont embauchés pour empaqueter vos courses mais ne sont pas payés, c'est vous qui devez les payer en passant à la caisse. Pareil au restaurant, il faut laisser une « propina » ou pourboire sinon c'est mal vu. Et si un monsieur surveille votre voiture, même pendant 2 min, il viendra à votre fenêtre pour vous demander quelques pièces. 
Une raison ? Le système ultra-libéral voulu par le président Piñera et herité du régime de Pinochet engendre l'abandon des services publics. Ainsi, au même titre que l'éducation, la santé a été complètement abandonnée. Les quartiers riches ont de beaux hôpitaux ou cliniques et les quartiers pauvres des hôpitaux miséreux. Et ce n'est même pas une caricature ! Ainsi, dans l'hôpital San Juan de Dios proche de chez moi, des patients avec le SIDA sont mis dans la même salle que quelqu'un avec une jambe cassée, sans compter qu'ils sont 15 dans cette même salle. Tout ce que demande le directeur de l'hopital : des lits supplémentaires. Sans parler du nombre d'heures qu'il faut attendre aux urgences. Il n'y a tout simplement aucuns moyens et des secteurs entiers comme celui-là sont laissés à l'abandon au profit d'une intervention de l'Etat minimum.

Au Chili, on découvre un pays à part qui certes, fait partie de l'Amérique Latine, mais qui n'est proche d'aucun autre, même pas des pays frontaliers. La preuve, on peut rassembler la Bolivie et le Pérou dans un même ensemble, les gens parlent quéchua et on voit des jolies ruines ou alors l'Uruguay et l'Argentine parce qu'ils partagent un même peuple indigène, ils boivent tous les deux du maté ou élèvent des vaches. Même le Guide du Routard ne s'embête pas à faire deux guides différents ! Le Chili, lui, pour des raisons historiques n'est pas inclus, monopolise un océan à presque lui tout seul, dispose d'une géographie incroyablement variée et a du mal à régler ses problèmes d'identité entre métissage et acceptation de ses origines indigènes mapuches dans une société ultra-libérale dirigée par un patron.

Sinon, rien à signaler, eux aussi ont des comptes Facebook et Twitter, utilisent leurs smart phones en cours et quand ils sont prépubères, deviennent hystériques quand Justin Bieber fait un concert à Santiago. En somme, rien de nouveau.

   



4.1.12

Carretear.

El Carrete au Chili : c'est la fiesta.

Et les chilens sont assez doués pour ça, en témoignent 3 jours de Fiestas Patrias (Fêtes d'indépendance) début Septembre à Pichilemu au bord de la plage, où j'ai vécu avec 60 personnes dont la moitié étaient chiliens.

On peut résumer ça à
- Asado = Barbecue.
- Tomar = Boire.
- Bailar = Danser
- Escuchar musica (mais vraiment très fort et sans arrêt. Quand je dis sans arrêt, c'est au 1e degré.)

15 jours après mon arrivée, c'était déjà une bonne entrée en matière.

Cet article on va le faire en deux temps :
1e temps : on va parler de la façon dont les chiliens font la teuf.
2d temps : on va parler de quelques endroits un peu emblématiques où on peut faire la teuf.


ALORS PREMIEREMENT : 

Il faut se mettre dans l'ambiance alors ferme les yeux et imagine :

- un garçon, jeune, avec une sorte de crête mais qui prend tout le haut du crâne (en gros jusqu'au cou) et sur les côtés, un peu rasé. ça ressemble un peu à ça . Assez étrangement, c'est comme ça qu'on aime les cheveux ici....

- Ensuite, tu lui mets une musique, peu importe laquelle puisque c'est un peu la même danse sur toutes les musiques (et de toute façon on parlera de musique chilienne et latino plus tard.)

- Puis, tu t'imagines que le mec sur tous les temps il fait "HEY, HEY, HEY, HEY, HEY"

- Et c'est pas fini parce que en même temps, il lève les mains au ciel sur toutes les fois où il dit "HEY HEY HEY...".

- Pour finir, il fléchit les jambes chaque fois qu'il lève les mains et qu'il fait HEY. C'est simple comme bonjour non ?!

Du coup, pour tous ceux qui pensaient qu'il fallait être un pro du coupé-décalé-reggaeton-collé-serré-ou-alors-danse-de-couples-très-difficiles, c'est moins stressant quoi.

DEUXIEMEMENT :

A Santiago, il y a plein d'endroits stylés plus ou moins typiques pour passer du bon temps.

1) L'endroit un peu Anarco-satirico-bobo-stylé : The Clinic





c'est celui là le couloir. 
Tu rentres dans un couloir, et une hôtesse te place parce qu'il y a à peu près toujours une queue de 3m.


Le truc est immense mais le gros point fort de cet endroit sont les blagues affichées aux écrans ou les affiches, sur les murs.

The Clinic est en fait l'équivalent de Charlie Hebdo, disons, et est donc un journal satirique à la base, truffé de montages et de dessins-pas-gentils-pour-le-gouvernement.

Ici c'est plus pour dénoncer que pour rigoler mais souvent, c'est drôle.

Le seul truc c'est qu'en fait c'est pas donné et ça donne plus l'impression d'être hype qu'anarchiste m'enfin !




Là, par exemple, c'est dedans,


Et là, c'est dehors !



2) L'endroit chileno-alcoolo-sortieduboulot-populaire : La Piojera


La salle principale


La salle secondaire


Bar en plein centre, il est juste impossible d'être allé à Santiago sans qu'au moins une fois, quelqu'un t'ai dit
"- t'es dejà allé à la Piojera ?
- La Piojé-quoi ?
- Ba, la Piojera quoi !"
Et en fait, c'est un prétexte pour estar borracho (saoûl) à 7h de l'aprem. Ce endroit ferme à 23h et depuis la fin de l'aprem les gens (qui sortent du boulot, qui sortent entre amis, qui sortent avec leur copain, qui sortent leur chien) se succèdent pour se saouler.

ça ce sont des terremotos.
Ce qui est drôle c'est que pour ça, il n'y a pas de limite d'âge et la soirée finit souvent en chansons-guitares-taper sur la table-et tourner les serviettes.

La spécialité c'est le terremoto (tremblement de terre) en référence à l'effet que c'est censé faire, et la replica (je viens juste de comprendre que c'est le nom qu'on donne au terremoto si t'en reprends)
Un terremoto = vin blanc pipeño + fernet + glace à la piña (ananas)



3) L'endroit cercano-coolisimo-de cumbia : El Galpón Victor Jara



Mon petit chouchou pour la fin : le Galpón (= hangar)
Il est à deux pas de chez moi sur la Plaza Brasil et y passent principalement des groupes de Cumbia en fin de semaine.
La cumbia ça se reconnait par l'usage de cette petite percussion que j'essaierai sûrement de ramener en France : la guacharaca.

Voilà un petit morceau du concert de Chico Trujillo auquel on est allé en Novembre, sans doute le groupe de cumbia chilienne le plus connu. La chanson c'est Loca, sans doute la chanson de cumbia chilienne la plus connue.



Allez, quelques photos pour illustrer tout ça et on finit.
Elle seront en hommage à ma coloc Sophie qui est partie depuis peu et qui m'a initiée à tout ça. La seule qui demande d'aller au Galpón tout le temps !
Sophie : c'est pour toi.

La porte d'entrée intérieure
L'entrée


L'état du soleil après-concert

26.12.11

Chronique d'un bordel annoncé

14.12 / 21h : coup d'envoi de la finale de la Copa Sudamericana entre la U. Chile et la Liga de Quito.

Pour donner un ordre d'idée, c'est comme si l'OL était en finale de la Champion's League alors il faut bien se rendre compte à quel point c'est important...

Avec mes colocs on va au Bajon, notre bar de foot fétiche, tout dégueu, mais où les supporters sont franchement à fond.

21h04 : premier but de la U, par cet Homme : Eduardo Vargas, meilleur buteur de la coupe.
Grosse scène de joie mais c'est rien à coté de ce que ca devient après 5-6 bouteilles de bières.

22h30 : En tout, il y aura 3 buts, tous pour les chiliens.
Et voilà ce que ca donne : une trentaine de supporters en chaleur dans 25 m carrés après un but :






On essaie tant bien que mal de comprendre les chants. Un de mes colocs lance meme un C.H.I, Chi ! L.E Le ! Chi Chi Chi, Le Le Le ! Universidad de Chile !
Mais ce qu'on a bien compris c'est que ca allait se terminer en plein centre : Plaza Italia


Minuit (et quelques) : Chacun son petit drapeau et c'est partie : ca chante, ca crie, ca klaxonne, ca saute partout. On est content, c'est sympatoche...
Bien que je ne me sentais quand meme qu'à moitié concernée, ca faisait longtemps que je n'avais pas vécu un moment de liesse pareil (en vrai depuis la Coupe du Monde 98 ou bien l'Euro 2000, on peut le dire. Ou alors Lyon Champion de France mais ca, on commencait a avoir trop l'habitude après... ou sinon le Crit quoi.)

Enfin bref.

Minuit (et encore plus de minutes) : Plaza Italia. Feux d'artifices en impro (ca vous aurait plu Alex au carré), fumigènes, et sur le téco, en mode camouflage, en train de protéger une statue : les Pacos (carabineros) complètement stoiques. Gros décalage complètement surréel.


 (désolée je n'ai pas de photos personnelles)

Presque une heure du matin : on rentre dans le feu de l'action !
La fête aura été courte. Les pacos commencent à charger, d'un coup, sans prévenir et en venant de nulle part.
La tension monte et les flics envoient les guanacos (lances à eau mélangée à des produits chimiques) pour disperser la foule qui ne peut pas se disperser puisqu'ils sont des tonnes autour de nous.

A cheval, en voiture, en camion, en petit blindé, à pied : c'est au choix !

Comme c'est bien connu : "la haine attise la haine", et derrière ce proverbe extrêmement sage se cache un montón de trucs qui sont pour moi incompréhensibles et qui m'ont réellement mise hors de moi.

J'assiste donc ensuite à

1) un dialogue de sourd ou une bagarre entre deux mecs bourrés.

En bref, ca donne :
"- Vous les supporters saoûls, la fête est finie.
- (grosse incompréhension du coup on balance des bouteilles en verre ou tout ce qu'on trouve par terre et on commence à péter un plomb en s'énervant sur tout ce qui passe - y compris sur des innocents comme moi, mais rien de grave.)
- Tu me tapes ? Alors je te tape.
- Arrête de me taper t'es débile ou quoi ? Du coup je t'insulte et je te dis "concha su madre" (l'insulte fétiche chilienne). Et puis je te tape aussi meme si j'ai aucun moyen de le faire. Bam ! Un gravier dans ta gueule !
- Tu m'as tapé ET insulté alors je te tape encore plus fort parce que MOI je peux et j'ai plein d'outils DONT une matraque hyper pratique. Alors tu m'fais pas peur !"

S'en suivent donc des actions complètement incompréhensibles du genre le flic va dans la foule au hasard pour faire peur et dit de dégager en mettant des coups de matraque dans le ventre. NORMAL.

Tout ceci te donne l'impression d'être en plein milieu d'une guerre civile. NORMAL.

" - Et au début on était là pour faire la fête non ?!
- Ba ouais mais bon, tant pis on va faire comme tout le monde, rentrer à la maison à pied et avoir une tête affligée."


2) J'ai quand même eu la sensation par moment que tout ce jeu du chat et de la souris plaisait dans une certaine mesure aux jeunes présents.

Parfois, des mouvements de foules sortis de nulle part se formaient, les gens fuyaient le camion de flics mais en réalité, à ce moment précis, il n'y avait pas de danger.
La preuve, le mec qui vendaient ses sandwichs dans la meme rue n'a meme pas tourné la tête.
Je ne généralise bien sûr pas mais certains ne crachent pas sur une minute de montée d'adrénaline.

3) Certaines questions subsistent

Est-ce-qu'à Santiago aujourd'hui, plus rien ne peut se faire sans un mouvement de violence généralisée, - souvent à l'origine d'un petit groupe celà-dit - et l'intervention de la force du côté du gouvernement ?
(cf la fête de la musique dans le plus grand parc de Santiago qui s'est terminé en gros n'importe quoi : des fumigènes mais aussi des centaines de personnes sur la scène en train de casser les amplis, des feux un peu partout et finalement les gaz lacrymos et l'arrivée des forces spéciales).

Pourquoi est-ce-que la répression semble être la première option et non une solution en dernier recours ?

Et les pacos sont-ils vraiment méchants ou ils le font exprès ?

Et pourquoi ils sont mala onda et ils nous font jamais un petit sourire ?

 Je n'ai pas la réponse à ces questions mais le sentiment que je garde de cette soirée est extrêmement mitigé et m'a laissé l'impression de vivre pendant l'espace de 15 minutes dans une dictature.

Le bilan de la soirée à cet endroit précis selon les autorités : 72 détenus. 4 carabineros bléssés et 1 bléssé civil assomé par la pression de l'eau du guanaco.
Culture du chiffre : que ce soit dans les manifs ou autre, si tu te trouves au mauvais endroit au mauvais moment, c'est fini pour toi : a la cárcel !

Comme l'a fait remarquer un de mes colocs, l'habitude des affrontements due aux nombreuses manifs a peut être banalisé ces scènes de violence, quoiqu'il en soit, elle reste insupportable.

Selon moi, ce pays est dans un état de tension permanente (en particulier en ce qui concerne tout le secteur public : santé, éducation...laissé de côté par un président ultra-libéral), souvent en état de souffrance, jamais loin de la limite et toujours révolté.